Québec se prive de dizaines de millions d’économie
Denis Lessard, La Presse, Québec
Le gouvernement du Québec pourrait épargner des dizaines de millions sur-le-champ en adoptant une politique déjà appliquée dans plusieurs pays d’Europe, c’est-à-dire opter pour des logiciels ouverts, comme Linux, plutôt que de multiplier les licences coûteuses des systèmes d’opération Microsoft.
Cyrille Béraud, le patron de Savoir-Faire Linux, une société d’informatique de la rue Saint-Urbain à Montréal, vient d’envoyer à la Cour supérieure une poursuite contre la Régie des rentes du Québec.
En décembre dernier, la Régie des rentes annonçait qu’elle comptait effectuer sans appel d’offres le renouvellement des licences des systèmes d’opération de ses postes informatiques. Microsoft ne fournit plus de support pour son système Windows 2000 ce qui force les organismes à migrer vers une solution plus récente.
Cette «mise à jour» – on voulait pour 700 000$ passer au système Vista de Microsoft – éliminait en pratique toute autre proposition. La Régie des rentes avait entendu les doléances de M. Béraud, mais avait décidé par la suite de maintenir sa décision d’utiliser Microsoft, parce que les fonctionnaires étaient plus familiers avec ce système.
«On a discuté avec eux pendant toute une journée, on a observé qu’il était possible pour eux de passer sur le logiciel libre», observe M. Béraud. Mais on a plaidé des problèmes de compatibilité pour rester avec Microsoft, explique-t-il.
Dans sa requête à la Cour supérieure, la compagnie relève que Vista est un système d’exploitation «radicalement différent» de son prédécesseur. Plutôt qu’une «mise à jour», il faudrait parler d’un remplacement des systèmes d’opération, une démarche qui devrait être soumise à un appel de propositions. Herman Huot, le porte-parole de la RRQ a confirmé que la poursuite avait été signifiée hier. Le contentieux de l’organisme est en train d’en prendre connaissance, précise-t-il.
Un tel recours est une première en Amérique du Nord, mais est déjà apparu dans d’autres pays d’Europe, notamment. Sortir Microsoft des bureaux gouvernementaux créerait des milliers d’emplois car les firmes locales d’informatique, ayant accès au code informatique de ces logiciels «ouverts», pourraient offrir des services impossibles sur les systèmes fermés «propriétaires» de Microsoft.
Selon M. Béraud, le gouvernement québécois est devenu «une filiale de Microsoft» alors que déjà bien des gouvernements dans le monde utilisent les «logiciels libres» comme Linux. Ces logiciels «ouverts» permettent aux programmeurs d’avoir accès aux codes. Surtout, ils sont beaucoup moins coûteux. Le gouvernement du Québec consacre chaque année 80 millions à ses licences Microsoft. Déjà au gouvernement fédéral, ces systèmes qui font fonctionner Google notamment ont fait une percée.
Aux Pays-Bas, désormais tous les ordinateurs du gouvernement doivent fonctionner sur les logiciels libres. «En France, toute la gendarmerie est en logiciel libre, 100 000 postes ont basculé. En deux ans, 400 000 fonctionnaires français sont passé à ce type de logiciels», observe M. Béraud. Et au Brésil, les compagnies ne peuvent répondre aux appels d’offres si leurs solutions ne sont pas compatibles avec ce type de logiciels, ajoute M. Béraud.