Pour arriver à un tel constat, il est nécessaire d'établir préalablement les raisons que les entreprises avançaient pour fusionner. Nous en analyserons ensuite les conséquences, qui permettent ainsi d'affirmer que fusionner, pour le profit, était un échec.
Les raisons de fusionner
Ces raisons sont bien évidemment de plusieurs ordres: économique tout d'abord, financier et enfin administratif.
1) Economique
Il existe plusieurs moyens à la disposition d'une entreprise qui désirerait s'assurer une croissance rentable: fusionner en est une. On parle alors de croissance externe, c'est-à-dire qu'une entreprise étend son activité en achetant une autre société ou en prenant une part significative dans le capital de celle-ci: le rachat de Citroën par Peugeot SA constitue une opération de croissance externe.
Au début des années 1980, et même avant, fusionner était une réaction de survie face à la crise pétrolière. En effet, les entreprises apportaient une offre considérable sur le marché, qui à cette époque était saturé. Il y eut alors une forte concurrence puis une stagnation du marché, ceci a poussé les entreprises à fusionner avec leurs concurrents. On parle de concentration: l'offre se rassemble ainsi en une oligopole ou même en un monopole. Ce phénomène est en train de se reproduire dans le secteur agro-alimentaire et plus particulièrement dans la charcuterie industrielle: pas moins de 370 entreprises se battent actuellement sur un marché en stagnation où la concurrence pèse sur la rentabilité.
Mais le principal moteur de fusion, c'est bien évidemment la volonté d'inculquer une nouvelle dynamique, un nouveau développement à l'entreprise, soit dans le même secteur des deux firmes, soit dans un autre, dans lequel aucune des deux n'aurait pu s'imposer ou même s'implanter seule. Une fusion permet ainsi d'adapter les outils de production et entraîne souvent des restructurations au sein de l'entreprise, dans le but de dégager des bénéfices plus importants. Même si l'investissement est coûteux et risqué, cela demeure la principale motivation des chefs d'entreprises.
Ces derniers y voient de nouvelles perspectives d'avenir. Cet enthousiasme est
généralement visible ou perceptible chez celui qui fait main basse sur l'autre. Lors d'une O.P.A amicale ( le "raider" ou investisseur informe auparavant le Conseil d'Administration ou l'équipe dirigeante ), l'enthousiasme est partagé puisque la décision a été mûrement réfléchie et s'est prise avec les deux parties en présence.
Mais lorsque l'O.P.A. est hostile, il y a d'abord un fort impact médiatique (c'est le premier effet voulu d'une telle O.P.A) et on assiste ensuite à une lutte financière: l'entreprise-cible tente de racheter ses actions au prix du "raider", dans le but de garder ses actionnaires. Ces enchères amènent parfois l'entreprise-cible à la faillite car l'offre est trop importante, ou au sabordage interne pour que rien de l'entreprise ne profite à l'investisseur.
Une étude de la Security Exchange Commission, effectuée avant le krach boursier de 1987, a montré que les actionnaires des établissements rachetés lors des mouvements de fusions et acquisitions des années 1980 ont réalisé des plus-values de 30 %, soit 167 milliards de dollars en moyenne. Les plus-values semblent avoir été d'autant plus fortes que les opérations étaient hostiles ( + 66,8 % ). C'est-à-dire que lors d'une telle O.P.A , les ouvriers ne gagnent même pas la moitié de ce qu'ils produisent.
Enfin, la complémentarité des activités de chaque groupe permet de faire des économies. En effet, si le fournisseur devient trop gourmand, on peut soit s'approvisionner chez un autre, soit l'acquérir. Ainsi on reste maître de la filière. Ceci demande un investissement important à l'achat mais permet à moyen et long terme de faire des économies. C'est le cas de Nippon Mitsubishi Oil, qui en rachetant Cosmo Oil, pense réaliser des économies d'environ 900 millions de francs par an d'ici à 2002.
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2) Financière
L'aspect financier reste important lors d'une acquisition, même si à l'achat, l'investissement présente certains risques. En effet, personne n'est sûr qu'au moment de la fusion, le nouvel ensemble va générer des bénéfices: le rapprochement peut s'avérer être une erreur et entraîner les deux entreprises à la faillite.
Cependant, ceci n'est pas une barrière, et dans chaque union, on cherche à conforter son patrimoine financier et à gonfler son capital. Parfois le rapprochement permet à l'une des firmes de redresser sa situation financière. C'est ce que fait actuellement Renault avec Nissan: la société japonaise se soumet aux plans de restructuration, proposés par les dirigeants de Renault, pour redevenir rentable, rapporter des bénéfices et augmenter le capital de l'ensemble du groupe.
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3) Administrative
Dans une moindre mesure, l'économie administrative est gage de rapprochement car elle entraîne une baisse des coûts. En effet, une acquisition répond à une logique de métier pour des industries ayant des activités similaires. Les deux maisons peuvent faire jouer, de manière significative, un certain nombre de synergies dans la gestion privée et institutionnelle, la banque d'investissement et les opérations de marché.
Mais rappelons d'abord quelques structures juridiques et organisationnelles, qui régissent un ensemble: un groupe peut être formé grâce à des prises de participation croisées entre les entreprises, le konzern allemand en est l'exemple type, l'intégration est généralement horizontale (chimie ou sidérurgie par exemple) et plus rarement verticale. Un groupe a le plus souvent un centre, le holding, qui possède une partie ou la totalité du capital des entreprises formant le groupe (ce qui n'exclut pas la possibilité de participations croisées entre les entreprises). L'exemple type est le zaïbatsu japonais, avec un holding (honsha) et des filiales industrielles, commerciales et financières. Le zaïbatsu est fortement concentré verticalement, mais il forme un conglomérat car ses productions sont très diversifiées.
Formes de relation | Entreprises concernées |
Clients / Fournisseurs | Concurrents |
Relations de marchés | Transaction | Concurrence |
Fusions et Acquisitions | Intégration verticale | Concentration du secteur |
Coopération | Partenariats verticaux | Alliances stratégiques |
Ce qu'il faut en retenir, c'est que dans les grands groupes, il existe un pôle financier qui sert de réserve monétaire et qui prête, en général, plus facilement que les banques, telles que nous les connaissons. Une fusion de deux banques d'investissement aboutit à une économie d'argent et de temps, et à une plus grande flexibilité pour l'entreprise. Par exemple : une plate-forme de Renault souhaite s'agrandir. Grâce aux rapprochements des filiales de financement entre Renault et Nissan, elle ne fait plus qu'une seule demande, inutile de jongler entre les deux banques; et cette demande a plus de chances d'aboutir, étant donné qu'il y a plus d'argent. En outre, l'extension est réalisée plus vite en raison de la simplification du réseau administratif.
Pour finir, ces différentes raisons étaient les principaux arguments des fusions dans les années 1980. Analysons maintenant leurs conséquences, c'est-à-dire la plus ou moins bonne "santé" du nouveau groupe après la fusion.
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Les conséquences: un échec
La banque d'affaires américaine JP Morgan a analysé 68 cas de fusions comportant une partie européenne intervenues depuis 1985. Cette étude porte sur les seules fusions dites entre égaux. Autrement dit, un type de rapprochement qui garantit un certain équilibre entre les actionnaires de chaque partie. Si elles soulèvent parfois un certain scepticisme quant aux chances de leur réalisation effective, ces fusions - quand elles sont couronnées de succès - permettent aux actionnaires de chaque entité de détenir entre 25 et 75 % du nouvel ensemble fusionné. Elles apparaissent bien souvent comme le cadre idéal pour des groupes désireux d'étendre leur présence en Europe, par exemple. La banque d'affaires note que, les neuf premiers mois de 99, les fusions entre égaux représentent 27 % de l'ensemble des opérations de rapprochement. D'une valeur globale de 13 milliards de dollars en 1985, ces fusions ont atteint 214 milliards les neuf premiers mois et ont terminé l'année 1999 à près de 300 milliards de dollars.
Généralement bien perçues par le marché (qui sait rapidement évaluer la capacité des nouveaux ensembles à générer des économies de coûts avant impôts), peu de fusions savent cependant créer de la valeur. Ainsi, deux ans après une opération de rapprochement, seulement 57 % de ces fusions réussissent à générer de façon significative des capitaux excédentaires, et trois années après, c'est le cas pour tout juste la moitié d'entre elles. Pour JP Morgan, la capacité des groupes à créer de la valeur dépend de deux éléments cruciaux: le domaine d'activité et la capacité managériale du nouvel ensemble. Par secteurs d'activité, l'étude révèle que, sur près de quinze ans, les fusions entre égaux sont intervenues selon cette répartition :
Dans le cadre de fusions entre égaux, les économies dégagées proviennent toutes d'un important travail de suppression de doublons :
- Suppressions de personnel
- Suppressions de sièges sociaux
- Reconfiguration des services de production
même si, bien souvent, le rapprochement donne naissance à une nouvelle entité dont le poids global dépasse la simple addition de la valeur de chaque partie rapprochée. Sur la base de son échantillon, une étude du quotidien Les Echos souligne que les capitaux excédentaires moyens engendrés par les fusions entre égaux dans le secteur pharmaceutique s'élèvent à 12 % au moment du rapprochement effectif, à 17 % un an plus tard et montent à près de 33 % deux à trois ans après la réalisation de la fusion.
Bien sûr, fusionner n'amène pas directement à l'échec, mais 53 % des fusions n'atteignent pas leurs objectifs, et c'est en cela que l'on peut parler d'échec. Echec financier d'abord, car les résultats souhaités, et qui faisaient rêver, ne sont pas au rendez-vous. Plus de la moitié des entreprises, issue d'une fusion, ne génèrent pas plus de profit 3 ans après le rapprochement. C'est-à-dire qu'à long terme, le capital du nouvel ensemble n'engendre pas de bénéfices supplémentaires. On arrive ainsi à une contradiction dans les propos de Muriel Jasor (journaliste aux Echos): d'un côté, le capital rassemblé est supérieur à la somme des deux séparés et, d'un autre le groupe formé ne gagne pas plus que les deux partenaires isolés.
Mais ceci peut s'expliquer par le fait, que la journaliste ne s'appuie que sur le secteur pharmaceutique pour avancer ses résultats, et les fusions qu'elle évoque n'ont eu lieu que dans les 5 dernières années; alors que JP Morgan a analysé sur 15 ans le devenir de 68 cas de fusion. Cependant les secteurs d'activités ne sont pas mentionnés car l'étude a été menée sur l'ensemble de l'économie et de ses branches. On peut donc dire, que la plupart des fusions et acquisitions des années 80 sont des échecs sur le plan financier.
L'échec est ensuite d'ordre social: lors de la première annonce d'un rapprochement, il est promis qu'il n'y aura pas de licenciements. Or l'enquête montre bien que pour réaliser des bénéfices, on n'hésite pas à supprimer du personnel. Encore aujourd'hui, lors d'une restructuration, le personnel est touché en premier: Renault supprime 21 000 emplois et ferme 5 usines du japonais Nissan en 1999.
D'un point de vue général, l'échec n'est pas retentissant mais la réussite n'est pas totale, et pour la direction, et surtout pour le personnel, qui subit instantanément les exigences capitalistes des chefs d'entreprises.
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